Annulation de visite au Liban

J'ai été au Mexique en septembre 2006 et j'y suis retourné en septembre 2007, soit plus de 5 semaines passées entre Mexico D.F., réputée ville la plus dangeureuse du monde, et d'autres villes à la réputation non moins sulfureuse, Acapulco ou Guanajuato par exemple.

Pourtant, pas une fois je n'ai eu l'impression que notre visite de soutient aux copains aventuriers Bruno et Laurent risquait de connaître une fin difficile. Pas la moindre petite altercation entre locaux n'est venue aggraver une inquiétude qui eu pu être légitime: nous parlons de la Kapitale du Krime quand même. Avec un K. Rien. Nous avons donc prévu d'y retourner cette année avec une délégation plus forte encore, puisque de nombreux bras se lèvent à présent pour participer à l'expédition de septembre 2008 , parmi la foulasse rassurée de n'avoir reçu aucune demande de rançon pendant nos séjours puis de nous voir rentrer entiers et satisfaits à chaque fois, bras et jambes toujours attachés au tronc, mains pleines de tous leurs doigts et sans signes apparents de fuite précipitée.

Il n'en va pas de même pour Beyrouth, nid d'espions. Au sujet de l'opération somalienne qui inspira le film "Black hawk down", l'ambassadeur Américain au Kenya de l'époque avait déclaré: "Si vous avez aimé Beyrouth, vous adorerez Mogadisco". Solide réputation donc de la ville qui vit naître Keanu Reeves, Carlos Ghosn et Mika, devenue la référence des endroits ou c'est 14 juillet tous les jours.

L'opération "Récompense juste" dont le nom prouve qu'au moins l'état major Israélien ne manque pas d'humour, a été encadrée par une vague d'attentats anti-personnels dont le coup d'envoi fût, si ma mémoire n'est pas en RTT, l'assassinat du réputé immortel Rafik Hariri, transformé en tas de viande fumante par 1 tonne de TNT aimablement disposée sous le bitume par une main amie. L'immortel n'ayant pas fait honneur à sa réputation, un festival s'est ouvert depuis lors jusqu'à aujourd'hui et dont les principaux invités semblent être les anti-syriens. J'ai honte de cette dernière remarque tant seuls les esprits retors refuseront de voir là autre chose que pure coïncidence : la mort frappe tous et toutes, c'est bien connu.

Peu de temps avant " Récompense juste" j'étais sur le point de prendre un billet pour une visite de soutient au copain Sami, malgré les attentats, ayant remarqué que ceux-ci ne visaient qu'une catégorie de personnes dont je ne fais assez visiblement pas partie. C'est maigre comme sécurité me direz vous et vous aurez probablement raison mais si Sami s'en accomode toute l'année, je pouvais bien m'en contenter quelques jours.

Malheureusement Sami m'appela pour me demander de mettre de la bière au frais car les justes bombes israéliennes m'avaient précédées et il comptait se réfugier à Paris, évacué par l'armée Française svp, pendant que sa soeur fuyait vers la Jordanie par la route en prenant des risques insensés (chapeau la soeur!).
Nous étions à la terrasse d'un café lorqu'il reçut 15 jours après son arrivée un message du DG de la filiale libanaise de la multinationale pour laquelle il travaille : " Sami, la guerre est finie, on est au boulot, tu es où ?" La nature humaine s'accomode de tout, c'est formidable. Il est donc reparti aussitôt et je doit lui dire encore ici mon admiration.

A nouveau donc nous étions en train de planifier une visite de soutient dans "la ville qui refuse de disparaître" lorsqu'en début de semaine la nouvelle d'un attentat anti-américain tomba. Ah. D'habitude c'est moi qui l'appele mais cette fois ci Sami me précéda pour me dire qu'ils l'avaient encore raté. Eh. La nouvelle introduit un changement de taille : désormais les étrangers sont à nouveau visés. Il y a donc de quoi se sentir un peu plus concerné. Car voici une règle de base : au Mexique on enlève des mexicains, en Colombie on sequestre des colombiens, au Liban on assassine des libanais. Si cette règle fondamentale vient à changer, alors il est temps de faire son deuil de l'endroit. A Beyrouth la règle vient de changer.

Depuis son mexique, c'est un comble, Bruno a fait savoir à Sami que sa participation à la délégation de soutient était annulée pour 5 ans au moins. J'ai confirmé le report de cette délégation sine die en annonçant que la prochaine réunion de la commission "Liban" de l'association de planification des visites de soutient aux copains "vivant dans une zone de forte tension sociale ou à faible pouvoir d'achat ou sous la menace d'invasion de troupes étrangères et/ou de guerre civile" était prévue pour le 5 aout 2013 avec pour ordre du jour un éventuel report de la délégation. Non, nous ne sommes pas près de chanter à un concert en plein air de Fayrouz.