dimanche, avril 13, 2008

Kêkéré bourou

Dimanche matin, 9h, nous sommes à quatre à vélo en forêt. Je suis d'une humeur excellente, puisque la veille j'ai pu mettre en application les cours pris traîtreusement avec Romain à Saint Ouen l'Aumône et battre Renaud pour la première fois sur notre nouveau parcours de Gadancourt. Le pauvre, s'il savait les moyens déloyaux mis en oeuvre il refuserait le confrontation: j'ai pris un cours et fait trois parcours pendant ses trois semaines d'absence. Mon ami s'imagine encore que cette partie fut notre partie de reprise, pendant que moi je m'étonne de l'effet que ce cours a eu sur mon swing, redevenu droit et profond. Prochaine étape, le jeu court.

Je suis d'une bonne humeur à croquer Nico sur le 9 trous de Saint-Ouen cet après midi dans la foulée s'il n'était hélas retenu pour un match et dans la forêt donc nous sommes.

Alors que nous faisons une petite pose pour attendre Fred qui peine, nous avisons un chétif qui traverse le sentier d'un pas décidé dans notre direction, flanqué de sa femme qui semble lui donner des consignes de prudence, visiblement inquiète.

Arrivé à notre hauteur le nabot, rouge de colère, interpelle Pawel :"ca t'amuses de passer par la droite?". N'ayant pas noté la manoeuvre, et sans même le souvenir d'avoir croisé le petit être, nous nous regardons interloqués. Pawel bredouille des excuses en assurant n'avoir pas eu pour intention de faire peur mais l'agressif insiste, il ne veut pas d'armistice ni de retraite organisée, il veut une débacle en rase campagne: "Tu l'as parfaitement fait exprès, connard!".

Re-surprise. Le type a devant lui trois animaux de 1,80m et 80 kg pour moi qui suis le plus petit. Je comprends que la peur ne le retienne pas, être ainsi constitué est très utile en certains cas. Mais là, sauf arme secrète, l'issue de la confrontation physique vers laquelle il semble vouloir aller nous paraît assez certaine. Les raisons de son engagement nous échappent donc.

A cet instant arrive mon pote Fred, lui aussi haut comme trois pommes. Entre petits on s'entend bien: pendant que nous appliquons le précepte "d'une victoire facile tu te méfieras", que Sun Tzu n'aurais pas renié, Fred jette sans tarder son vélo à terre et court sus à l'impétrant sous nos yeux ébahis.

Freinant in extrémis pour éviter la collision, Fred fait à présent face à l'autre roquet, qui est manifestement moins surpris que nous de la tournure violente que prennent les évènements.

"On ne s'adresse pas comme çà aux gens, sauf pour demander une correction" lui fait Fred en substance, mais avec des mots moins choisi et une expression plus directe et imagée. L'autre en est à affirmer à Fred de ne pas se gêner pour lui rendre ce service, avec une bordée de noms d'oiseaux en guise de préliminaires, lorsque sa femme se jette littérallement entre les deux pour supplier son mari de mettre fin au scandale.

Médusés par un tel niveau de violence à cette heure matinale, nous hésitons encore sur la conduite à tenir. Pawel et Sébastien sont immobiles, comme sous le choc. Je pose mon vélo à terre mais reste à distance, impressionné par la hargne de protagonistes que j'ai pourtant l'impression de pouvoir mettre d'accord dans l'instant avec une bonne baffe. Une seule pensée est je crois présente dans tous nos esprits: "mais keskifon?".

Pour finir la négociatrice obtient gain de cause et sur un dernier "viens!" provocateur le candidat au pugilat recule enfin, imité par Fred qui en guise d'au revoir lui souhaite d'être introduit violemment par le derrière.

Les petits métonneront toujours par la quantité de violence qu'ils peuvent stocker dans un volume qui ne paye pas de mine. "Kêkéré bourou" disent les Yorubas, bénis soit-ils pour mille génération. Cela signifie "le tout petit est méchant" et propose en filigranne d'éviter de s'attaquer à toutes ces choses dont la nature a le secret de la survie, du Pitt-bull (que ses testicules lui soient douloureuses et infertiles) au jogger du dimanche matin.

Mon conseil: tenez-vous à l'écart des petits, ils font rarement de bonnes surprises. Any short sized person reading those lines excepted of course.