lundi, février 11, 2008

Late Return

0h50. Fin, d'une de mes interminables journées. Quatre heures de révisions ce matin de 8h a 12h, un test d’Anglais de 14h a 17h, un match retour de championnat de 20h a 23h – nous perdons sur un score que la dignité m’interdit de consigner ici - et passage par le bureau pour un peu plus d’une heure, indispensable compte tenu de mon emploi du temps du lendemain.

Je préviens le garde que je serais à la grille dans 1mn. Veilleur de nuit dans un immeuble de bureau n’est probablement pas un job très excitant mais celui-là devait en être à son troisième joint quand il vient m’ouvrir la grille, qui la nuit n’est plus automatique. Confirmant qu’il n’a pas que l’air gazé, il oublie tous les sas de l’immeuble ouverts derrière nous. Je ne lui en fait pas la remarque mais ne mise pas grand-chose sur sa longévité ici. Je fonce sous la pluie vers ma voiture.

Au contact les phares s’allument et les essuie-glaces se mettent en marche à la cadence exigée par la pluie. Miracles de la technique. On est loin des nanorobots servant les héros de l’excellent « Brigades fantômes » de John Scalzi que je viens de terminer mais la plupart des gens ne se rend pas compte que dans un objet aussi courant qu’une automobile se cachent des dizaines des systèmes automatisés, de programmes informatiques, de puces électroniques qui veillent sur le confort et la sécurité des occupants.

Pied sur la pédale de frein je démarre et j’actionne le levier de la boite automatique vers l’arrière, il est temps de rentrer. C’est Jill Scott qui m’accompagnera pendant ces quelques minutes. Il fait tard et je suis pressé de dîner, le rythme brutal de son "Gimme" est à sa place, le volume est fort. En m’ouvrant la grille le garde, malgré mes vitres fermées doit ressentir les coups de boutoirs que les basses donnent dans les portières. J’ai découvert ce morceau dans la volumineuse compil « Génération 88.2. » dans laquelle Géné n’a pas toujours la main heureuse sur 15 années de radio néanmoins les 15 CD cachent quelques perles dont ce morceau de 1999.

J’écrase la pédale de droite et le 4x4 s’arrache de la grille dans un barissement d’éléphant à la charge. Je rentre vraiment. Moins d’une minute plus tard je suis sur la N184 à une allure que la morale n’encourage pas. La bifurcation vers L’A115 est prise a une allure normalement réservée aux routes très sèches, alors qu’il pleut à seaux.

Je navigue littéralement sur l’autoroute en pensant à ce que, malgré notre recherche permanente de la sécurité, nous passons notre temps à nous mettre dans des situations dans lesquelles si le risque se matérialise, nous ne pourrons lui faire face. Ainsi, mon lourd Rexton est actuellement chargé d’une énergie cinétique, combinaison de sa vitesse et de son poids, à laquelle il ne saurait lui-même résister en cas de choc, avant même de songer à la protection de son passager. Un choc frontal et la rutilante voiture se retrouve transformée en César fumant et dégoulinant.

Ma sortie approche et je vais encore très vite. J’attends le moment ultime pour freiner sans ménagements. Ca devrait passer. Les pistons des quatre gros étriers s’exécutent et agressent les disques, les plaquettes mordent. Alliée et ennemie, la pluie qui menace le grip de mes pneus conserve les qualités de freinage du gros engin intactes en éconduisant la chaleur. Cela devrait empêcher toute surprise ou récompense malvenue de la façon dont je les traite depuis mon départ. Les énormes Kuhmo aux rainures prononcées feront le reste.


Le Rexton plonge raisonnablement, bravo la répartition du freinage. En bute aux lois de la physique, il glisse, grince contre le sol et se dandine sur ses hauts pneumatiques. J’ai déjà noté ce comportement sur ces lourdes voitures lorsqu’elles sont chaussées de pneus à flancs haut : lors d’un gros freinage, les pneumatiques s’écrasent et laissent le véhicule errer un peu sur leur structure déformée. Ce phénomène diminue puis disparaît à mesure du ralentissement.

C’est passé. Je réaccélère déjà et le 4x4 se jette dans les successions de ronds-points, avalant la route, encouragé par Jill Scott qui hurle "Gim-me, Gim-me,Gim-me!!" à pleins poumons. Je me laisse surprendre par une surélevation de la chaussée que je connais par cœur pourtant. C'est en allant chercher son pain qu'on a les plus beaux cartons dit-on, ce n’est pas une légende. Le 4x4 encaisse le coup dans un dandinement agacé. Je lève le pied. Malgré l’heure tardive je ne tiens pas à révéler ma vraie nature de chauffard aux habitants de ma petite ville…